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Un Farm Bill qui s’adapte, une PAC qui se meurt

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En réaction à un billet paru dans la France Agricole du 5 juillet 2019 à la tonalité assez négative quant à la politique agricole américaine, nous avons souhaité faire publié ce texte dans la rubrique « courriers des lecteurs » de l’hebdomadaire agricole. 

Suite à l’article de Jean-Christophe Debar dans vos colonnes du 5 juillet, nous souhaitions rétablir quelques vérités. Il est indéniable que les agriculteurs américains sont eux-aussi touchés par la chute des prix internationaux et que leurs revenus ont baissé depuis le sommet observé en 2013. Pour autant, cela semble être aller un peu vite en besogne que d’en conclure à l’inefficacité de la politique agricole américaine, le Farm Bill.

Votre expert rappelle, à juste titre, que les Etats-Unis ont abandonné les aides découplées pour donner la priorité aux « aides variables liées aux prix de marché », appelées également aides contracycliques. Ce type de subventions continue de monter en puissance et il est assez surprenant de tenir des propos définitifs à leur égard. Pour les céréales et les oléagineux, on s’attend à voir une nette hausse de la participation au programme Price Loss Converage (PLC) qui permet de compléter le prix de marché par une aide jusqu’à hauteur de 202$/tonne pour le blé ! Dans le précédent Farm Bill, les Farmers avaient le choix entre ce programme à déclenchement à prix fixe et un autre programme (ARC) où la subvention est calculée sur une moyenne mobile de 5 ans mais plafonnée à 10% du chiffre d’affaires. A l’époque, les prix étaient élevés et les producteurs se sont alors engagés en majorité dans le second programme. Avec le nouveau Farm Bill, ils auront toujours le choix mais pourront changer d’une année sur l’autre.

En production laitière, cette même logique contracyclique est également promue. Touchés plus tardivement que nous par la crise du lait, les producteurs laitiers ont la possibilité depuis cette année de recevoir des aides quand les prix passent en dessous de 350€/1000 litres pour une cotisation symbolique de moins de 3€/1000 litres et ce, pour les 2,5 premiers millions de litres (après c’est moins avantageux).

Attention, il s’agit bien d’une aide contracyclique versée par l’Etat fédéral et non d’une assurance stricto sensu ! Cette précision est importante vu la confusion qui règne en France sur le sujet. Et nous rejoignons Jean-Christophe Debar quand il explicite les limites des assurances chiffre d’affaires dont les indemnités versées aux agriculteurs ont fortement baissé. Ces contrats d’assurance couvrent les variations de prix entre le semis et la récolte, mais pas les variations d’une année sur l’autre. Aussi, on est assez surpris quand l’expert met sur le même plan les deux types d’instruments et, qu’en quelque sorte, il jette le bébé des aides contracycliques avec l’eau des assurances !

Au-delà de ces deux instruments, on aurait pu également rappeler le rôle d’autres instruments du Farm Bill comme les offices de commercialisation dans le lait qui établissent le prix du lait chaque mois ou encore sur les quotas sucriers et prix garantis du sucre, toujours à l’œuvre chez l’Oncle Sam. Certes, comparaison n’est pas raison, mais tout de même la réactivité et le pragmatisme américains en matière de politiques agricoles ne peuvent que laisser songeurs de ce côté-ci de l’Atlantique.

 

Jacques Carles, Président d’Agriculture Stratégies

Frédéric Courleux, Directeur des études d’Agriculture Stratégies

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