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Newsletter n°47 : Réforme PAC, ciseau des prix, néonicotinoïdes et Pays-Bas

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Bonjour,

Alors qu’une révision du budget de l’UE se profile, qu’un bilan à « mi-parcours » de la PAC aura lieu l’année prochaine, il nous parait urgent de mobiliser l’ensemble du monde agricole et des filières pour réfléchir dès maintenant à la nécessité de réorienter cette PAC pour lui permettre de faire face aux priorités actuelles et donner réellement à l’UE les moyens d’assurer sa souveraineté alimentaire. Si le monde agricole n’est pas force de propositions constructives, d’autres organisations se chargeront de porter des propositions en ne privilégiant que l’axe environnemental, qui risquent de ne pas permettre d’atteindre les objectifs initiaux de la PAC, pourtant plus que jamais d’actualité : assurer un revenu stable et décent aux producteurs, et des produits de qualité à prix raisonnables pour le consommateur.

Dans cette perspective, Agriculture Stratégies dévoile ses travaux prospectifs en matière de réforme de la PAC et invite l’ensemble des acteurs à s’investir de ce sujet, et à s’associer à cette réflexion afin de faire évoluer ce projet. Nous vous proposons de découvrir la présentation du projet et le communiqué de presse et de prendre connaissance des articles de la France agricole : https://www.lafranceagricole.fr/gestion-et-droit/article/837638/la-prochaine-pac-c-est-deja-maintenant et de Réussir : https://www.reussir.fr/future-pac-agriculture-strategies-veut-la-reformer-avant-meme-sa-mise-en-oeuvre

 

Nous considérons que la transition agroécologique est un objectif qui doit être poursuivi, mais accompagné en diminuant la prise de risque pour les agriculteurs, et en conservant une accessibilité à une alimentation de qualité pour le consommateur. Notre proposition est ainsi basée sur des mesures de régulation qui peuvent permettre de diminuer la volatilité liée aux prix et donc une partie du risque économique pour l’agriculteur, adossée à une politique d’aide alimentaire ciblée pour le consommateur, tout en assurant une stabilité pour les filières. Cette proposition prend tout son sens en ce début d’année 2023 où l’évolution des cours fait preuve d’une volatilité accrue qui laisse envisager une baisse des prix à un niveau qui ne permettrait plus de couvrir les coûts de production. L’année dernière a en effet donné lieu à une hausse impressionnante des prix agricoles, notamment en céréales, en viande bovine et en lait, suffisamment élevée pour permettre de compenser la hausse des intrants dans la plupart des cas. Dans l’ensemble, l’année 2022 a ainsi permis de bons résultats malgré la sécheresse. Cependant, une grande incertitude règne sur l’évolution des prix en 2023, entre guerre en Ukraine, évolution des prix de l’énergie et des engrais et sécheresses dans l’hémisphère sud. De quoi craindre un « ciseau des prix », phénomène intervenant quand l’indice des prix des produits passe en dessous de celui des coûts de production, et qui peut entraîner une diminution du revenu agricole. Dans un tel contexte, il semble indispensable de sécuriser les agriculteurs en leur offrant une visibilité sur les prix et un accompagnement dans leurs prises de risques.

Par ailleurs, il est nécessaire de protéger les agriculteurs du défaut de compétitivité que les règles européennes et nationales plus exigeantes en matière d’environnement leur imposent. Le 19 janvier 2023, la Cour de justice européenne a interdit les dérogations qui permettaient aux Etats-Membres d’utiliser des semences enrobées avec des néonicotinoïdes, ces insecticides utilisés pour traiter les betteraves contre les pucerons qui leur transmettent la jaunisse. En parallèle, la Commission vient d’imposer sa première clause miroir de façon unilatérale, interdisant l’importation de produits qui contiennent des résidus de 2 néonicotinoïdes (thiaméthoxame et de clothianidine) dans nos importations. Un premier pas à saluer sans aucun doute, mais 1) le sucre provenant de betteraves issues de semences enrobées aux néonicotinoïdes ne contiennent pas de résidus, et 2) cette interdiction s’applique aux produits destinés à l’alimentation et ne concernera pas les usages industriels (éthanol, gel hydroalcoolique, produits pharmaceutiques…).

Cette interdiction met les planteurs français dans une situation bien délicate : en cas d’attaque de pucerons, contrairement aux autres agriculteurs européens, ils ne pourront utiliser aucun traitement foliaire à base de néonicotinoides, puisque la France a été plus loin que les autres pays européens dans leur interdiction. Nous avons donné la parole à Christophe, producteur de betteraves, pour nous expliquer pourquoi la filière avait obtenu jusqu’alors de telles dérogations, pourquoi se passer des néonicotinoïdes sera difficile et aura pour conséquences des pertes de rendements qui vont impacter toute la filière sucre française et même au-delà.

Le recours aux tribunaux de l’UE pour faire appliquer la législation environnementale est de plus en plus régulier. Alors que la France fait l’objet d’une procédure d’infraction sur les nitrates au regard de la qualité de l’eau potable et que les ONG lancent une nouvelle action en justice contre les pesticides en zone Natura 2000, où en sont les Pays Bas dans leur plan d’action national de réduction des émissions azotées ? En mai 2019, la plus haute juridiction administrative néerlandaise, le conseil d’Etat avait en effet prononcé un jugement au regard des manquements hollandais vis-à-vis de leurs obligations européennes en matière de réduction des nitrates dans les zones Natura 2000, qui force le gouvernement à agir rapidement. L’année dernière, les annonces gouvernementales avaient donné lieu à d’importants mouvements de protestation de la part des agriculteurs. Nous avons interviewé Martijn Weijtens, Conseiller agricole à l’Ambassade des Pays-Bas en France, pour en savoir un peu plus sur les actions actuellement mises en œuvre, qui visent à favoriser le tournant des exploitations néerlandaises vers une agriculture « nature inclusive ». La nomination d’un médiateur a permis d’apaiser la situation en mettant l’ensemble des parties prenantes autour de la table, obtenant des compromis qui puissent permettre d’atteindre les objectifs du gouvernement. Cela passera par d’importants changements pour les exploitations qui émettent le plus d’azote dans les zones sensibles : changements de pratiques, de modèle, voire d’activité, qui s’inscrivent dans l’évolution de l’agriculture néerlandaise vers davantage de qualité et de respect de l’environnement, et moins de production.

 Bonne lecture,                                                               

Jacques Carles, Président d’Agriculture Stratégies

Le 7 mars 2023

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