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PAC : un débat trop cadenassé par les tenants du statu quo

Cet article est issu d’un courrier des lecteurs envoyé à La France Agricole et paru dans l’édition du 21 décembre 2018


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Lecteurs assidus de la France Agricole, nous nous plaisons à découvrir chaque semaine les reportages sur les trésors d’imagination et d’abnégation que déploient les agriculteurs et agricultrices pour expérimenter ici, développer là de nouvelles activités. Et tout simplement trouver les moyens, individuels comme collectifs, pour rester agriculteurs dans un contexte où à peu près tout est fait pour les en dissuader. Par ailleurs les billets des auteurs récurrents fournissent la plupart du temps des éclairages intéressants et stimulants.

Cette précaution faite, nous souhaitons réagir au billet de Luc Vernet, au demeurant l’un des dirigeants de Farm Europe, paru le 26 octobre dernier. Il dresse l’état d’avancement du processus – mal engagé – de la réforme de la PAC en dessinant ce qui serait, selon lui, une ligne d’affrontement idéologique, qu’il décrit ainsi : « Il reste un clivage entre les tenants d’une orientation vers le marché, et ceux qui, à l’inverse, voudraient sortir l’agriculture des marchés, pour en faire un secteur intégralement administré par la puissance publique ».

Cette lecture du débat nous semble datée et dangereuse. L’opposition binaire proposée ici reviendrait à faire accepter la situation actuelle de la PAC en agitant le spectre d’un centralisme totalitaire, tactique bien connue de ceux qui appliquent le dicton « qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ».

Ce que ne mesure pas l’auteur c’est qu’il y a une différence fondamentale entre le néo-libéralisme à l’œuvre aujourd’hui et l’idéal libéral où l’on promeut et protège les libertés individuelles. L’économie sans règle, c’est la loi de la jungle et celle du plus fort. Les anglos-saxons ont cette expression « to level the playing field » (ou aplanir le terrain de jeu) pour justifier le besoin de règles pour que la concurrence entre les acteurs soit juste et utile.

Ainsi, l’opposition n’est certainement pas entre marché et planification. Il s’agit au contraire de penser les régulations qui permettent d’améliorer le fonctionnement des marchés. Quand ils fonctionnent correctement, les marchés sont le mode de coordination le plus efficace. Mais force est de constater que les marchés agricoles ne marchent pas aussi bien qu’en théorie, et les prix sont bien souvent très loin du « niveau d’équilibre » vers lequel l’ajustement de l’offre et de la demande devrait les faire converger.

Pour faire avancer le débat sur une réforme en profondeur de la PAC, qui apparait d’autant plus urgent que l’affaire des olives espagnoles vient sûrement d’apporter le coup de grâce au découplage des aides, il convient de faire preuve d’imagination, de pragmatisme et de regarder ce qu’il se passe ailleurs. C’est ce que nous faisons chez Agriculture Stratégies pour tenter d’alimenter un débat par trop cadenassé par les tenants du statu quo.

Aussi, nous vous invitons à consulter notre site internet où nous nous intéressons notamment à la politique agricole américaine, celle à l’œuvre et non celle que les Américains nous conseilleraient d’adopter pour contrecarrer, là aussi, l’émergence d’une véritable Europe politique. Vous y verrez, entre autres, qu’il y a toujours des quotas et un prix minimum dans le sucre, que le prix du lait payé aux producteurs est régulé par des formules dépendant des prix des produits laitiers ou encore que les producteurs de grandes cultures comptent bien plus sur les aides contracycliques – qui leur garantissent 202$/tonne pour le blé par exemple – que sur les assurances pour garantir leur revenu.

 

Frédéric Courleux, Directeur des études d’Agriculture Stratégies

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