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Les projections OCDE – FAO sur les prix agricoles continuent d’être totalement déconnectées des réalités

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La FAO et l’OCDE ont sorti cet été comme chaque année leurs projections sur l’état des marchés agricoles à venir pour les 10 prochaines années, et leurs prédictions semblent déjà dépassées à peine quelques mois après leur sortie.


Comment ces instances internationales peuvent-elles s’estimer fondées à dessiner des tendances à 10 ans quand elles se trompent déjà largement sur les tendances de l’année en cours et qu’elles persistent sans faillir depuis qu’elles font des prévisions dans l’erreur ? Jusqu’à quand vont-elles s’acharner à utiliser des modèles d’équilibre général qui ne prennent pas en compte la volatilité des prix et qui n’ont fait que démontrer leur incapacité à modéliser les marchés agricoles, caractérisés par leur instabilité ?

Le graphique ci-dessous le montre bien : les projections de l’OCDE ne sont jamais conformes à la réalité observée ensuite au travers des prix donnés par l’IGC (International Grains Council).

Figure 1 : Comparaison des projections de l’OCDE et de l’évolution réelle des prix f.a.b. du blé rouge d’hiver de catégorie n°2, protéine ordinaire, Gulf ports (juin/mai) (source OCDE/IGC traitement Agriculture Stratégies)

La projection annonce un prix du blé pour 2021 aux alentours de 234$/t alors que les prix observés pour la moyenne juin/octobre 2021 sont déjà à 314$/t ! Dans son rapport, l’OCDE admet que les variations de rendements rendues plus fréquentes par l’augmentation des aléas climatiques risquent de conduire à des chutes de production ou des excédents marqués, générateurs d’une volatilité accrue. L’incertitude des marchés est également liée au contexte géopolitique et macroéconomique, ainsi que le prix des intrants. Autant d’éléments non simulables dans ce type de modèle, dans la mesure où ils n’ont pas été adaptés grâce à un module extérieur qui simule les différentes causes de risques et donc la volatilité des prix comme le modèle Momagri, désormais confié à Agriculture Stratégies.

Figure 2: évolution du prix du blé 2020/2021, source IGC

Le problème de ces prédictions utopistes récurrentes, c’est qu’elles servent de base pour leurs simulations à la Commission Européenne, mais aussi aux institutions internationales dans leur ensemble. Qu’il s’agisse des impacts des accords de libre-échange ou des conséquences liées à l’application du Green Deal, les modèles d’équilibre général restent le seul outil à disposition des instances dirigeantes mondiales, alors qu’il serait temps de changer de logiciel.

Naviguer à vue ou selon les indications erronées d’un compas brisé ne peut être acceptable lorsqu’il s’agit d’anticiper les enjeux aussi cruciaux que ceux de l’alimentation.

C’est toute la crédibilité des accords internationaux et des décisions publiques qui est remise en question. Mais l’inertie bureaucratique alliée à l‘inefficacité scientifique en matière de modélisation conduisent à un aveuglement des politiques qui, pour la grande majorité d’entre eux ignorent les graves imperfections des modèles qui étayent leurs décisions.

Il s’agit d’un des défis majeurs qui est lancé à la communauté internationale.

 

Alessandra Kirsch, directrice des études d’Agriculture Stratégies

Le 9 novembre 2021

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