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Biocarburants : une politique plus flexible est possible

Vous trouverez ci-dessous un article paru sur le site de Momagri le 05/09/2017


Les mécanismes d’effacement de consommation d’électricité ont prouvé leur efficacité. Il faut s’en inspirer et flexibiliser de la sorte l’incorporation de biocarburants.

La fin du « supercycle » des matières premières touche l’ensemble des marchés agricoles. Dans ce contexte de crise, les propositions de rénovation des politiques agricoles se multiplient, avec un maître mot : la recherche de flexibilité des instruments existants – aides de la PAC et production de biocarburant. Dans le premier cas, il s’agit d’encourager les aides contracycliques, touchées par l’agriculteur seulement quand les prix sont bas. Ce type d’instrument est largement utilisé aux Etats-Unis, alors que sur le Vieux Continent on préfère jeter l’argent par les fenêtres quand les prix couvrent les coûts, avec des aides déconnectées de la production.

Dans le deuxième cas, il s’agit de rouvrir le procès « food versus fuel » sur des bases plus rationnelles à partir du constat que l’on produit autant de biocarburants qu’au pire de la crise alimentaire de 2008… et que les prix sont pourtant bas. Pour cause : sur les dix dernières campagnes, la production mondiale de céréales a bondi de 25 % et les stocks sont à leur plus haut niveau depuis 2001.

Réduire l’inélasticité de la demande

La production de biocarburants devrait mobiliser près de 160 millions de tonnes cette année, soit l’équivalent de 8 % de la production mondiale ou la moitié des échanges mondiaux de céréales. La production de biocarburant à partir de grains a connu un essor important dans les années 2000, mais c’est plutôt du côté du démantèlement des politiques de stockage et de l’instabilité structurelle des marchés agricoles que résident les causes de la flambée de 2007. Paradoxalement avec les politiques d’incorporation de biocarburants dans les carburants classiques, on dispose, moyennant quelques modifications, d’outils susceptibles d’encadrer la volatilité excessive des prix des matières premières et les conséquences fâcheuses des prix trop hauts ou trop bas sur la sécurité alimentaire mondiale.

En effet, à l’instar des mécanismes d’effacement de consommation d’électricité qui permettent d’optimiser l’approvisionnement électrique en compensant les agents prêts à renoncer à leur consommation lors des pics, introduire davantage de flexibilité dans les politiques d’incorporation de biocarburants présente plusieurs avantages. De la sorte, on réduirait l’inélasticité de la demande de produits agricoles, une des principales sources d’instabilité des marchés agricoles. Cela permettrait également de poursuivre le développement d’une énergie renouvelable tout en réduisant la connexion entre les prix agricoles et les prix du pétrole. Bien évidemment les règles d’effacement devraient être connues à l’avance de manière à ne pas introduire d’incertitude supplémentaire dans la formation des prix.

S’inspirer du Brésil et des Etats-Unis

Ce type de mécanisme existe déjà, sous des formes plus ou moins abouties, au Brésil et aux Etats-Unis. Ainsi, quand le prix du sucre augmente excessivement, les autorités brésiliennes diminuent les taux d’incorporation dans les carburants. Aux Etats-Unis, il existe un marché des RIN («renewable identification numbers»), ces certificats que doivent fournir les vendeurs de carburants pour prouver qu’ils respectent les obligations d’incorporation, et des propositions sont régulièrement faites pour pousser la logique de la flexibilisation plus loin. L’Union européenne pourrait s’inspirer de ces dispositifs pour mettre en place à son tour une flexibilisation sur ses biocarburants.

Ces trois grandes puissances agricoles auraient alors la possibilité de coordonner, au moindre coût, des mécanismes économiques efficaces contre les évolutions excessives des marchés agricoles. Ce schéma repose sur la conviction qu’une nouvelle gouvernance mondiale des politiques agricoles est possible et nécessaire, pour remplacer celle, défaillante, des accords de Marrakech en 1994. Avancer sur ce sujet est indispensable pour sortir la PAC de l’impasse dans laquelle elle se trouve, et faire de la flexibilisation des biocarburants un outil de gestion de crise aux côtés des aides directes contracycliques et des systèmes assurantiels.

1 Retrouvez l’intégralité de l’article sur le site internet des Echos et en suivant ce lien
http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0211155766866-biocarburants-une-politique-plus-flexible-est-possible-2017039.php

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