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Newsletter n°28 : Souveraineté alimentaire, révision de la politique commerciale européenne, relance américaine

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Bonjour,

Les Etats-Unis ont fortement réagi aux effets de la crise Covid : le 3ème plan de relance américain amène à un total de fonds injectés dans l’économie américaine de 5 000 milliards cumulés pour la relance, quand l’Europe a peiné a en réunir 750. Cette politique américaine de relance est toujours plus favorable aux agriculteurs. En 2020, l’administration Trump a ainsi versé 45 milliards d’aides directes exceptionnelles à l’agriculture, assurant un revenu 30% supérieur à la moyenne pour les farmers. 2021 s’engage sur le même chemin : 15 milliards additionnels déjà versés pour des prévisions de revenus assez proches, complétés par une aide alimentaire à des niveaux exceptionnels. Les producteurs européens se retrouvent dans une situation défavorable liée à l’augmentation des coûts de production induite par des exigences environnementales accrues par l’avènement du Green Deal, et doivent supporter la concurrence déloyale de produits américains qui bénéficient d’un renforcement conséquent des subventions.

Pour permettre aux agriculteurs européens de rester compétitifs dans ces conditions et d’espérer vendre leur production à des prix rémunérateurs, l’Europe devra nécessairement faire des choix politiques forts. Quand l’UE annonce que « les importations doivent être conformes aux réglementations et normes pertinentes de l’UE » et qu’elle est « est prête à lutter contre les pratiques déloyales et à utiliser des outils autonomes pour défendre ses intérêts lorsque c’est nécessaire », faut-il s’attendre à un bouleversement des relations commerciales ? Dans sa communication sur la révision de la politique commerciale européenne, la Commission énonce des principes intéressants qui appellent des actes concrets pour l’agriculture. Avançant le principe que « les importations doivent être conformes aux règlementations et normes pertinentes de l’UE », cette communication arrive au meilleur moment alors que les négociations de la PAC abordent justement des amendements relatifs à la conformité des importations à nos standards ou à la mise en place d’un système centralisé pour activer les clauses de sauvegarde en cas d’importations excessives.

De cette capacité à protéger le secteur agricole dépendra notre capacité à conserver une souveraineté alimentaire. Le 9 avril 2021, nous étions présents lors de l’assemblée générale de la coopération agricole Auvergne-Rhône-Alpes, pour débattre de ce sujet avec Jean-Louis Rastoin, professeur émérite de Montpellier SupAgro, fondateur de la Chaire UNESCO “Alimentation du monde”, et membre de l’Académie d’Agriculture. Comment différencier souveraineté, autonomie et sécurité alimentaire ? Les questions se sont centrées sur le rôle des coopératives, de la PAC, l’articulation avec le commerce international, et les stratégies à développer dans cette quête de la souveraineté alimentaire. Le résumé du débat ainsi que sa rediffusion sont disponibles dans cet article : la souveraineté alimentaire est-elle une utopie face à la réalité des marchés agricoles ?

Cette question de la souveraineté alimentaire est intimement liée à notre dépendance aux importations. Dans une étude de février 2021, l’APCA fourni un éclairage très intéressant sur ce sujet via l’angle du contenu en importation des produits agroalimentaires transformés en France, dans un document intitulé « une quête de souveraineté alimentaire : opportunités et entraves ». Elle explique ainsi que la valeur ajoutée du secteur «Agriculture » dépend davantage des importations que de notre capacité à exporter. En effet, « les industries de la transformation importent toujours plus de produits intermédiaires qui entrent dans la composition du produit fini ».

La pandémie nous a fait prendre conscience d’une dépendance forte aux échanges, à la production des autres pays. Nous avons manqué de masques, de vaccins, nous avons eu peur de manquer d’alimentation. Pour autant, cette prise de conscience n’a pas révolutionné les politiques agricoles, ni nos pratiques en matière d’importations : d’après le Bilan Agreste 2020, notre dépendance aux importations persiste malgré la pandémie. En effet, alors qu’on pouvait s’attendre à une baisse des importations en lien avec la fermeture d’une grande partie de la restauration hors domicile, le total des importations 2020 ne baisse que de 2% par rapport à 2019.

Bonne lecture,                                                                

 

Jacques Carles, Président d’Agriculture Stratégies

Le 5 mai 2021

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