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Etiquetage : un nouveau pas pour limiter la tromperie sur l’origine en France

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Alors que l’efficacité de la loi Egalim est contestée de toutes parts, plusieurs initiatives apparaissent pour favoriser la consommation des produits agricoles français. En parallèle du développement des circuits courts, le gouvernement a dévoilé une nouvelle bannière permettant aux consommateurs d’identifier les produits frais, bruts ou de première transformation, d’origine régionale et/ou française. Le lancement de cette nouvelle bannière s’accompagne de la signature d’une charte pour de nombreux acteurs de la grande distribution qui s’engagent à ne plus utiliser la mention « transformé en France » si la matière première n’est pas d’origine française… uniquement pour les marques de distributeur.

Selon un sondage IFOP d’août 2018, 74 % de Français se déclarent prêts à payer plus cher pour acheter français. Les entreprises de l’agroalimentaires l’ont bien compris, et jouent sur le critère « transformé en France » pour attirer le consommateur. Pour autant, cette mention garanti uniquement l’étape de transformation, et ne concerne pas l’origine des produits. Foodwatch avait épinglé en 2019 de nombreuses pratiques commerciales trompeuses, en opposition avec les articles R. 112-7 et suivants du code de la consommation qui précisent que « l ‘étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à créer une confusion dans l’esprit de l’acheteur ou du consommateur, notamment sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et plus particulièrement sur sa nature, son origine ou sa provenance, son mode de fabrication ou d’obtention ». Cette question n’est pourtant pas nouvelle et avait été rappelée au gouvernement en 2003 ; la réponse laconique indiquait que la DGCCRF (la répression des fraudes) était appelée à faire preuve de vigilance sur le sujet. Depuis, les effectifs de la DGCCRF ont diminué de 21% en 10 ans, et les visites de 36%[1].

 Les produits transformés, en France comme en Europe, jouent un rôle primordial dans la formation de la balance commerciale agroalimentaire. En France en 2018, les produits issus de la transformation ont représenté 88,3 % de l’excédent commercial total de 7 milliards d’euros, contre seulement 11,7 % pour les produits bruts[2]. La mention « Origine France » pour les produits transformés en France et destinés à l’export n’implique pas d’obligation sur la provenance des matières premières. Un produit transformé « Origine France »/ « Made in France » peut donc avoir des matières premières de toute provenance, comme l’explique le guide de la DGAL d’application de la méthode de certification sanitaire pour l’exportation des produits d’origine animale[3] :  « Origine  » : Nationalité de la marchandise au regard du lieu de fabrication ou du lieu d’élevage. Ne change pas, sauf si transformation (…) Exemple :  un produit à base de viande importée depuis un pays tiers mais transformé en France → ORIGINE : France, Provenance : France ».

Rappelons qu’en France, une expérimentation mise en œuvre depuis 2016 et validée jusqu’au 31 décembre 2021 impose la mention obligatoire de l’origine de la viande lorsque la part de viande est égale ou supérieure à 8% du poids de la denrée. La mention de l’origine du lait est obligatoire sur l’étiquetage lorsque la part de lait est égale ou supérieure à 50% de la denrée. Néanmoins, certains industriels n’indiquent qu’une origine « UE » ou « non UE » sur leurs étiquettes, a regretté UFC Que Choisir. Le 10 juin dernier, le périmètre d’application de cette loi a également été étendu à la restauration hors domicile, et à d’autres produits comme le miel, le vin ou la bière (le décret d’application restant à venir).

La signature cette charte qui annonce la fin de la mention « transformé en France » si la matière première n’est pas d’origine française est une bonne nouvelle, mais elle ne concernera que les produits de marque de distributeur des entreprises signataires. Les MDD représentaient 32,7 % de parts de marché valeur en GMS, secteur qui a bénéficié de l’application de la loi Egalim puisque non concerné par l’augmentation du seuil de revente à perte de 10%. Les produits d’autres marques et en particulier ceux des PME, dont la consommation a été impactée par les mesures d’encadrement des promotions et de seuil de revente à perte, risquent eux de ne pas leur emboîter le pas.

Lien vers l’annonce du ministère de l’Agriculture : https://agriculture.gouv.fr/charte-dengagements-de-mise-en-avant-des-produits-frais-et-des-produits-locaux-en-grande

 

Alessandra Kirsch, directrice des Etudes d’Agriculture Stratégies

Le 23 novembre 2020

 

[1] https://www.senat.fr/rap/a18-153-5/a18-153-54.html

[2] https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271841-balance-commerciale-agroalimentaire-francaise-un-excedent-menace

[3] https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2018-419

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